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Merde in France vu par la presse : 2012 - Danactu-résistance (blog)

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Merde in France, un premier roman de Farida Tahi, chez L'or des fous
8 Janvier 2012



Nous reprenons nos chroniques de premiers romans, avec encore une belle rencontre, Farida Tahi. Née à Paris, enfance à Ménilmontant, pas vraiment brillante en classe, elle va, durant les années 1990, croiser les chemins des squats de l'Est parisien. Expérience qui semble l'avoir marquée fortement, ce que l'on peut comprendre.

Alors de quoi s'agit-il ?

Au départ, il y a un bistrot, un bistrot situé en plein cœur d'un quartier mis en danger par des promoteurs. Une réalité assez courante hélas à Paris. Il faut chasser les pauvres de la capitale afin de construire toujours plus pour les riches. Vu le prix du mètre-carré, c'est très rentable...Dans le bistrot il y a Moktar et toute une petite bande de "gens de peu" comme dirait Pierre Sansot. Le café étant un lieu social et populaire, s'y retrouvent Zine, Miguel ou encore Ba, un trio de jeunes français issus de l'immigration. Et puis il y a aussi Jean-Pierre, éducateur libertaire.

Le petit groupe va bientôt créer un comité de soutien à Moktar et à son café menacé par les bétonneurs fous. Nous sommes donc clairement dans un roman de résistance comme nous les aimons, un roman où pour une fois sont mis en avant ceux qui n'ont rien, ceux qui sont des "sans". Et cela nous change vraiment de la majeure partie de la littérature hexagonale actuelle où les tendances germano-pratines sont bien trop dominantes...

Non sans humour, Farida Tahi nous fait suivre les acteurs de cette lutte, qui est aussi, comme très souvent dans les squats, une lutte d'un quartier, donc lutte collective, ayant un vrai sens politique, face à des hommes politiques qui souvent ne luttent plus que pour les places à prendre. Afin de maintenir la vie, leur vie, dans ce quartier les habitants vont transformer le bistrot de Moktar en une sorte de QG de leur lutte. Un roman très dialogué, donc très vivant et dont les mots sonnent juste. Sans doute à la fois, le talent et l'expérience du vécu. Cela nous donne un premier roman très crédible.

Après la page de titre, Farida Tahi dédie son roman aux occupants du 67, rue des Vignoles à Paris, et nous offre en prime trois citations, une de son éditrice, Isabelle Bourgueil, et deux d'auteurs que nous aimons particulièrement, Etienne La Boétie, et Raoul Vaneigem dont plusieurs des titres sont d'ailleurs au catalogue de "L'or des fous".


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Extrait

"Moteur éteint, on observe cachés derrière la caisse. Plus fou que ça, je meurs ! Le dingue a terrorisé tout le quartier, juste par sa présence, un malade profond, ce type ! Que dis-je ? Un fou en liberté, un vrai ! Incurable ! Personne ne lui en veut sous prétexte qu’il est bourré de circonstances atténuantes. Qu’il a grandi dans le coin et qu’il fait partie de ces hommes courageux qui, pendant qu’ils ne tuent personne, risquent leur vie pour les autres. Il a même été médaillé par le Président de la République ! Tout le voisinage s’est planqué. Les maisons sont barricadées. Les commerces fermés. Ici, personne ne bronche avant le coucher du soleil. Heure où notre dégénéré de la gâchette entame sérieusement l’apéro ! En attendant le pastaga, la rue est transformée en centre de tir. Bing, bing ! ça dégage ! ça saute ! ça voltige ! N’ayons plus peur des mots, disons-le, ça cartonne comme à la fête foraine ! Un panneau de sens interdit vient de faire trois fois le tour de son poteau pour s’écraser sur le bitume. Bing ! Le phare gauche de la Deux chevaux verte ! Déplumé, le petit moineau sur le fil électrique. Bing ! Bing ! Bing ! Le nain en terre dans le jardin du voisin a enfin perdu son vilain nez. Dégommée ! une poubelle s’écrase sur le trottoir et dégueule toutes ses ordures. Ils n’avaient pas fait le tri. Bing ! dans la boîte de conserve. Bing ! Toujours dans la même boîte de conserve. Et re-bing bing, c’est plus une boîte mais une passoire. Du calme, l’acharné du tir tous terrains recharge son fusil. Nous marchons sur la pointe des pieds. Ça fait mal aux orteils."


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